Article paru dans Telex Var N°1706 du 10/10/2013
J’aime la provoc’ !
Avec sa voix gouailleuse, son verbe cru, son humour décapant, Chantal Ladesou est plutôt unique en son genre ! Et ce n’est pas maintenant que les choses vont changer, elle qui embrasse ce métier de comédienne depuis près de 60 ans avec toujours la même fraîcheur et la même passion. Entre cinéma, télévision et théâtre, Chantal Ladesou nous sert son one woman show qui, depuis 4 ans et 3 tournées, l’amène auprès de son public, partout un peu comme chez elle… Car, de son aveu, la scène reste sa vie, sa maison, le jardin de ses secrets qu’elle déballe de bon cœur et presque sans pudeur… Elle est comme ça, Chantal et c’est pour ça qu’elle nous plait… vraiment… beaucoup !
Christine : Chantal, en regardant votre parcours, on pourrait penser que vous êtes née pour être artiste…
Chantal Ladesou :C’est vrai, je pense que j’étais programmée… c’était ça ou rien ! Depuis l’âge de 7 ans, je voulais être comédienne et ça ne m’a jamais lâché…
Christine : Mais plutôt que comédienne, votre grand-père voulait faire de vous une chanteuse… !
Chantal Ladesou :Mon grand-père était musicien à Tourcoing et il adorait me faire chanter, à cause de mon palais bombé qui donnait un son particulier à ma voix. Tous les dimanches je montais sur la table, je faisais des sketchs, je racontais des histoires drôles ou je chantais pour faire plaisir à mon grand-père. J’étais déjà un peu le pitre de la famille !
Petite, j’étais déjà un peu le pitre de la famille !
Christine : Qu’est-ce qui vous a donné envie d’embrasser ce métier ?
Chantal Ladesou : Ma mère aurait voulu être comédienne. Elle me disait tout le temps que s’il n’y avait pas eu la guerre, elle aurait rêvé de faire ce métier. Elle m’emmenait très souvent au théâtre et j’adorais ça… Je pense que ça m’a beaucoup influencée.
Christine : Vous avez perdu votre maman quand vous étiez adolescente. C’était aussi une façon de réaliser son rêve ?
Chantal Ladesou : Oui, il y a peut-être ça aussi. C’est vrai que j’avais ce désir profond et j’ai vraiment dirigé ma vie en fonction de ça.
Christine : Vous avez suivi des cours pour apprendre votre métier ?
Chantal Ladesou : Mon père ne voulait pas que j’aille tout de suite à Paris alors j’ai commencé au conservatoire de Lille. Mais au bout d’un an, le professeur m’a dit d’aller tenter ma chance à la capitale alors j’y suis partie, malgré les oppositions de mon père. Je me suis inscrite aux cours Simon mais je devais trouver un travail parallèlement pour pouvoir me les payer. Tout a démarré comme ça. J’ai été engagée dans une pièce de boulevard, j’ai tourné avec Buñuel… tout était assez facile pour moi. J’ai épousé Michel, l’homme de ma vie, je me suis arrêtée 5 ans pour faire mes enfants et quand je suis revenue, je suis allée au cours Florent mais j’y suis restée 2 jours… ! Parce que Florent m’a dit que je n’avais rien à apprendre de plus pour aller bosser tout de suite…
Ce franc parlé, ce côté brut de décoffrage… c’est tout à fait moi !
Christine : On peut dire qu’il y a 2 émissions majeures qui ont marqué votre carrière : « La Classe » puisque c’est l’émission qui vous a révélée au grand public, et « Les Grosses Têtes » où l’on a toujours le plaisir de vous entendre chaque jour…
Chantal Ladesou : Les Grosses Têtes, c’est tout récent puisque j’y suis depuis 3 ans seulement. Et j’en suis absolument ravie car, depuis longtemps, j’avais vraiment envie de faire de la radio et, en plus, ce format-là me convient très bien car je peux improviser en toute liberté.
Christine : Et ce côté très « provoc », vous le cultivez ou ça fait vraiment partie de votre personnalité ?
Chantal Ladesou : C’est tout à fait moi ! Le franc-parlé, ce côté brut de décoffrage… je suis comme ça dans la vie et c’est vrai que j’aime bien provoquer mais ce n’est jamais méchant, c’est juste… que je suis comme ça !
Christine : Ce métier ne vous a jamais déçue ?
Chantal Ladesou : Il faut être honnête : c’est un métier très difficile où l’on prend des râteaux sans arrêt et il y a beaucoup de causes de déception tout au long d’une carrière. Mais, si on est déçu par ce métier, il faut arrêter tout de suite !
Christine : Pensez-vous que pour les jeunes artistes, c’est plus difficile aujourd’hui qu’à l’époque de vos débuts ?
Chantal Ladesou : Je pense que c’est pareil. C’est un merveilleux métier donc forcément, il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus ! A mon époque il y a eu La Classe, aujourd’hui il y a Ruquier qui donne aussi la chance à des jeunes comédiens qui s’accrocheront comme des berniques et qui ne lâcheront pas (rires) !
La scène, c’est là où je respire, où je peux donner le maximum de moi-même
Christine : Vous avez touché à toutes les facettes de votre métier. Le théâtre, la télévision, le cinéma, est-ce qu’il y a un domaine qui vous plait plus qu’un autre ?
Chantal Ladesou : En fait, je suis chez moi sur scène, c’est là où je me sens le mieux ! Le reste c’est très bien, je suis ravie quand on me propose un rôle à la télévision ou au cinéma, mais je prends moins de plaisir parce que la scène, c’est là où je respire, où je peux donner le maximum de moi-même…
Christine : C’est la proximité avec le public ? Le fait de travailler sans filet ? C’est quoi ?
Chantal Ladesou : Oui, c’est ça, travailler sans filet… C’est le fait que rien n’est acquis. Un soir une représentation peut-être superbe, divine… et le lendemain être beaucoup moins bonne ! Mais ça fait rien parce qu’il y a encore le lendemain et c’est ça que j’aime, ce côté éphémère qui existe entre le public et l’artiste.
Christine : Est-ce qu’il vous manque encore quelque chose dans votre carrière ?
Chantal Ladesou : J’espère qu’il me manquera toujours quelque chose sinon ça deviendra triste (rires) ! Bien sûr que je voudrais encore découvrir des tas de choses : j’aimerais danser, chanter, je suis prête à apprendre des tas de nouvelles choses. J’ai encore beaucoup… beaucoup de désirs dans ce métier et c’est ce qui est important car le jour où je n’en aurai plus…
Christine : Vous parlez du chant. Avec cette voix si particulière, c’est quelque chose qui vous attire ?
Chantal Ladesou : Oh oui, j’adore chanter ! Dès que je peux, après un diner entre amis, quelqu’un prend la guitare et moi je chante… peut-être pas très juste, mais j’adore ça ! Loin de moi l’idée d’une carrière de chanteuse mais si on me proposait une chanson comique, j’accepterais volontiers (rires) !
Christine : Pour changer de répertoire… dites-nous un petit mot sur ce fameux trio « d’Amazones » avec Fiona Gélin et Sonia Dubois ?
Chantal Ladesou : C’est une belle expérience… que je ne voulais pas faire au début parce que je trouvais que le personnage était un peu pathétique ce qui, à ce moment-là me dérangeait. Finalement, je n’ai pas regretté cette expérience qui a duré 5 ans et qui a connu un succès extraordinaire…
J’apporte le point de départ, en fonction de ce qui m’arrive, d’évènements qui m’inspirent
Christine : Vous êtes aussi et surtout une « one woman show » ! Vous écrivez tous vos spectacles avec le soutien de collaborateurs de premier choix…
Chantal Ladesou : Effectivement, c’est moi qui apporte le point de départ, en fonction de ce qui m’arrive, d’évènements qui m’inspirent… Ensuite mes spectacles s’écrivent à plusieurs mains. Je travaille en toute complicité avec Eric Carrière, des Chevaliers du fiel que je connais depuis très longtemps. J’ai aussi collaboré avec Pierre Palmade, il y a longtemps pour mon premier one woman show. Et puis il y a aussi François Rollin. Donc j’ai quelques complices d’écriture qui me sont chers.
Christine : Votre spectacle actuel s’intitule « j’ai l’impression que je vous plais… vraiment ». Pourquoi ce « vraiment » ?
Chantal Ladesou : C’est le deuxième tome d’un spectacle qui s’appelle à l’origine « J’ai l’impression que je vous plais… ». C’est l’époque où je suis passée du « Rive Gauche » de 400 places à la salle « Bobinot » de 800 places. Et pour remplir une telle salle, j’ai exprimé ce que je pensais par ce « vraiment » ! Et maintenant, il faudrait que j’en fasse un autre avec « j’ai l’impression que je vous plais…vraiment… beaucoup » (rires) !!
C’est pour moi essentiel de voir les gens heureux en sortant de mon spectacle et d’entendre qu’ils ont tout oublié pendant une heure et demie
Christine : Ça fait un moment que vous tournez avec ce spectacle ?
Chantal Ladesou : Oui, ça fait 4 ans et c’est la 3e tournée que j’enchaine. Ce qui est fabuleux, c’est qu’il plaît de plus en plus et j’adore le jouer. Il fait tellement partie de moi que je peux maintenant improviser avec le public donc c’est très plaisant. Et puis il évolue toujours un peu en fonction des événements qui se passent dans ma vie et que j’intègre au fur et à mesure.
Christine : Après cette tournée, vous envisagez d’écrire un nouveau spectacle ?
Chantal Ladesou : J’ai toujours envie d’écrire et une tournée est justement un moment propice à trouver de nouvelles idées, à écrire pendant qu’on est sur les routes, loin de Paris. Donc je vais essayer de faire quelque chose peut-être pour 2014…ou alors plus tard… Bon enfin je vais mettre ça en chantier après avoir bouclé la boucle de celui-là, à l’Olympia en février 2014.
Christine : Dans le contexte actuel, les gens ont de plus en plus de mal à rire. Votre « rôle de comique » en devient-il encore plus important ?
Chantal Ladesou : C’est pour moi essentiel de voir les gens heureux en sortant de mon spectacle et de les entendre me dire qu’ils ont tout oublié pendant une heure et demie, leurs tracas, leurs ennuis… Pour moi, c’est un merveilleux cadeau ! Bien sûr que c’est dur, qu’il y a la crise, que beaucoup de gens se lèvent en se demandant comment ils vont pouvoir manger… Mais je pense que le fait de rire, ça apporte plein de choses positives et que c’est très important ! Ça libère la tête, on pense à autre chose. Alors, je suis ravie de pouvoir apporter aux autres ce petit espace de liberté…
Retrouvez toutes les photos du spectacle, réalisées par Christine