Le Jeudi 28 Avril, à Sanary, Caroline Vigneaux, ancienne avocate reconvertie humoriste, a quitté la robe sur la scène du Théâtre Galli, devant un public conquis.
De la salle d’audience à la salle de spectacle, la jolie juriste a franchi le pas. Si elle qualifie son métier de « vocation » avec un enthousiasme certain, elle reconnaît aussi que le désir de monter sur scène a toujours été présent. Aujourd’hui, la jeune femme se réjouit de sa nouvelle vie. Fraîchement sortie de deux représentations à L’Olympia, la fatigue est là ; mais le bonheur la dépasse de loin. « Vous m’attrapez juste à l’issue de mes deux Olympia. C’était merveilleux, je ne peux pas vous dire autre chose ». C’est avec naturel et gentillesse qu’elle est revenue avec nous sur son parcours et le contenu de son spectacle, juste avant le lever de rideau.
Issue d’un milieu catholique, dans lequel la comédie n’était pas considérée comme un « vrai métier », elle se souvient de ses toutes premières scènes. « C’était à l’église, j’avais six ans et je lisais des textes sur l’autel avec le micro. J’adorais ça ! J’avais ça en moi». Jeune diplômée, c’est avec le bureau des élèves dans le cadre de L’AEA (Association des Elèves Avocats) qu’elle participe à plusieurs « petits spectacles ». C’est une révélation. L’UJA (Union des Jeunes Avocats) lui permet ensuite de rejoindre une troupe de comédiens amateurs. C’est au fil des années que ce qu’elle considérait comme un « plaisir anodin », prit de plus en plus d’importance. C’est finalement en 2008, après avoir démissionné de ses fonctions, que Caroline Vigneaux intègre Le Cours Florent.
D’une nature qu’elle reconnaît « exubérante », elle est ravie de pouvoir assumer qui elle est réellement. Désormais loin des salles de classe ou elle se faisait sans cesse reprendre par ses professeurs, et régulièrement « virée de cours » en raison de son côté « hyperactif », dévêtue de sa robe d’avocate, cette artiste débordante d’énergie se libère.
Sur scène depuis 2009, son premier show « Il était une fée » laissait déjà paraître au travers du personnage déjanté qu’elle interprétait, la vraie personnalité de Caroline Vigneaux. « J’étais cachée derrière le personnage. C’était une excuse pour me lâcher et être moi sans vraiment le dire ». Aujourd’hui, c’est avec son nouveau spectacle au nom révélateur « Caroline Vigneaux quitte la robe », que l’humoriste se dévoile complètement. « Avec ce nouveau spectacle, je m’assume pleinement. C’est une véritable mise à nue de ma personnalité. D’où le titre, et la photo dénudée sur l’affiche ».
Ce soir d’Avril, c’est face au public Sanaryen, venu en nombre l’applaudir, que l’artiste a pu démontrer l’étendue de son talent. Lorsqu’affublée de sa robe noire, le rideau s’ouvre sur elle, on découvre tout d’abord Maitre Vigneaux, l’avocate passionnée. Elle explique : « Il y a un fil rouge, mais le monde juridique n’occupe pas même la moitié du spectacle ». Lorsqu’au bout de quelques minutes, elle se décide à se démunir de sa robe, nous découvrons, à l’instar de son modèle Jacqueline Maillan, la Caroline Vigneaux drôle, enjouée et quelque peu extravagante qu’elle revendique, prête à régaler son public.
Au cœur de ce spectacle aux sujets variés, elle se raconte. Son parcours, son changement de vie, ses difficultés familiales, financières qui en ont découlé, mais aussi des thèmes universels familiers à chacun, tout cela dans une ambiance survoltée, portée par son incroyable pouvoir comique. Les hommes en prennent pour leur grade. Les femmes ne sont pas complètement épargnées non plus.
Très féministe, Caroline Vigneaux profite d’être sur scène pour aborder des sujets qui lui tiennent particulièrement à cœur. Une sorte de plaidoirie par l’humour. « Ma priorité est de faire rire les gens. Je n’ai aucune leçon à donner. En revanche, une fois que j’ai dit ça, je peux faire rire avec ce que je veux. J’aborde des thèmes qui me touche : Les femmes enceintes qui se font virer, les femmes battues, la recherche de l’orgasme chez la femme…Je compte insister davantage sur tout ça dans le prochain spectacle ». Caroline Vigneaux insiste également sur « L’absolue nécessité de la solidarité féminine ». Pour toutes les femmes, de quoi trouver en elle une bonne copine, porte-parole de leur cause. Les hommes, quant à eux, ne peuvent que savourer la manière épatante dont Caroline Vigneaux traite ces sujets. Usant de tous les excès, parfois virulente, c’est toujours avec talent et bienveillance qu’elle nous emmène avec elle dans un univers incontestablement comique.
Lors de cette soirée au Théâtre Galli, face à un public diversifié allant de sept à soixante-dix-sept ans, Caroline Vigneaux a fait rire aux éclats hommes, femmes, enfants, dans une ambiance mixte et intergénérationnelle. Clôturées en beauté par une « standing ovation », ces deux heures de rire seront parvenu à ravir tous les spectateurs.
Lorsqu’on lui demande ce qu’elle ressent face à une salle comble, sa réponse est spontanée. « C’est magique. A chaque rire, je me prends une piqûre d’adrénaline. D’ailleurs, il est impossible d’aller directement se coucher après un spectacle, tant l’excitation est à son comble. On vient de passer la soirée à rigoler avec X copains, puis on se retrouve seul dans sa chambre d’hôtel. C’est un état de manque, c’est chimique. Ce soir c’est un peu différent, ma mère habite à Bandol, donc je dors chez elle ». Pour Caroline Vigneaux, la pire des solitudes pour un artiste reste la salle vide. « C’est mon angoisse absolue et régulière. Ça m’est arrivé au début de devoir annuler par ce qu’il n’y avait personne ». Consciente qu’elle s’est lancée dans une voie aléatoire, elle retient avant tout la magie de la vie d’artiste. Une manière pour elle de se « maintenir en équilibre, sans jamais basculer dans la routine ». Évoluant dans un domaine plus masculin que féminin, elle ne ressent cependant aucune animosité de la part de ses collègues humoristes hommes. Elle relève d’ailleurs cette « inégalité » dans de nombreuses catégories socioprofessionnelles. Elle s’offusque des clichés, notamment de la manière dont les enfants sont conditionnés dès le plus jeune âge. « Un petit garçon demande une poupée… Regardez bien la tête de sa mère. Quand je vois des fers à repasser dans les rayons jouets des petites filles, j’ai envie de mourir ».
Si elle avoue être passée par des phases de découragement, elle se sent aujourd’hui forgée par les embûches qu’elle a pu croiser sur sa route. D’une nature foncièrement positive, elle avoue tout de même un profond besoin de susciter l’affection autour d’elle. « Je ne suis pas mélancolique. En revanche, j’ai besoin qu’on m’aime ».
Sur sa carrière d’avocate, Caroline Vigneaux pose un regard bienveillant, parfois nostalgique. Ce métier, elle l’a aimé, adoré. Elle l’adore toujours. Il correspond aujourd’hui à une période de sa vie bien révolue, et qu’elle garde précieusement en elle comme une des plus jolies étapes de son parcours. « C’est un peu la même nostalgie d’avec ses 17 ans. On sait que c’est fini, et on ne retient que le positif. On s’en souvient avec tendresse. C’est notre côté Madeleine de Proust ». Le regard tourné vers l’avenir, elle nous fait part de ses envies. « Le théâtre ? Pourquoi pas. Le fait de partager une scène avec d’autres comédiens, de jouer à plusieurs, de donner la réplique, changerait complètement du monologue du « one woman show » et cela pourrait beaucoup m’intéresser. Interpréter un personnage, des mots écrits par une autre personne que moi… ». Très à l’aise avec la « case comique », jouer la tragédienne ne l’attire aucunement. Coté projets, du cinéma! Elle nous annonce que l’on pourra la retrouver dès le mois de décembre dans « A donf ! », un film de Nicolas Benamou, aux côtés de José Garcia et André Dussolier. « C’était une expérience magique. Le cinéma me plait beaucoup ».
En attendant, le public aura toute la joie de continuer à acclamer la désopilance de cette artiste en scène, puisque la tournée se poursuit jusqu’au mois de décembre. Le show s’installera notamment au Palais des Glaces à Paris, pour toute la durée du mois de Juin.
Caroline Vigneaux a définitivement « quitté la robe ». Le public ne semble pas vouloir faire appel de cette décision.
Retrouvez toutes les photos du spectacle prises par Yann Etesse