L’homme de verre, l’humoriste de fer !
On imagine le nombre de regards qui ont pu se retourner sur lui, le nombre de rires à peine contenus qui ont longtemps creusé un vaste fossé entre Guillaume et « les autres », ceux-là même qui étaient si différents de lui…
Des épreuves surmontées une à une, par la force et le courage sans doute, mais surtout par l’humour et la dérision qui en font aujourd’hui un artiste « comme les autres » avec même ce supplément d’âme qui lui fait prendre de la hauteur ! Oui, Guillaume Bats est tordu, et ça nous convient bien puisque désormais, c’est lui qui nous en fait rire ! Et après une heure d’interview exceptionnelle, partagée dans l’intimité de sa loge au Zénith de Toulon, on sort grandie de cette rencontre nourrie de sa générosité et de sa joie de vivre. Oui, Guillaume Bats est un grand homme !
Christine
Guillaume, pour commencer ton histoire, précisons que tu es né à Reims, le 14 avril 1987… Mais tu es un bébé !
Guillaume : (rires) Eh oui, je suis un minot comme on dit ici !! Et je suis effectivement un Marnais, ce qui explique que j’aime quand ça pétille !
J’aimerais que l’on parle de ta maladie parce que c’est aujourd’hui ce qui fait ta différence, ta personnalité et c’est aussi ce qui fait de toi un humoriste pas comme les autres…
Voilà, tu fais bien de préciser que je suis différent des autres mais d’abord un humoriste et ce n’est pas ma maladie qui fait que je suis humoriste… Je suis atteint de la maladie des os de verre. Il y a différents stades dans cette maladie. Et comme dans le film « Incassable », même si c’est très romancé, il y a des gens très fragiles au point qu’ils ne peuvent pas marcher parce que le poids de leur corps peut les briser et donc les tuer ! Moi, j’en suis à un stade qui est avancé quand même mais beaucoup moins grave que celui-là. Mes fractures ont été surtout centrées sur mes membres inférieurs quand j’étais plus jeune… parce que, comme tous les gamins, j’étais un peu casse-cou et je ne me rendais pas compte du danger.
On est rarement humoriste quand on a une vie cool !!
Je suppose que cette maladie t’oblige à voir la vie autrement. Cette forme de dérision que tu as cultivée, c’est ton pied de nez à cette injustice de la vie ? Ou c’est une forme d’exutoire ?
Je ne le fais pas par révolte, mais oui effectivement, c’est lié, et même encore aujourd’hui parce qu’on n’est jamais vraiment totalement guéri. Mais ça ne concerne pas que mon cas : je pars du principe que les bons humoristes sont souvent des gens blessés ! On est rarement humoriste quand on a une vie cool !! Il y a sans doute des exceptions, mais à mon sens, beaucoup ont des souffrances à exprimer et ce métier leur permet d’en parler en rigolant. Ça aide à accepter et à affronter des regards qui ne sont plus focalisés pour les mêmes raisons.
Ces humoristes-là ont peut-être un mal qui les ronge de l’intérieur, ton mal à toi est beaucoup plus visible. Dans cette grande famille de l’Humour, le regard des autres sur toi est-il différent ? Ont-ils une forme de compassion ?
Les mauvais esprits (mais je ne pense pas qu’ils soient nombreux) diront que si je réussis, c’est parce que je suis comme ça, et ne regarderont pas la qualité de ce que je peux proposer artistiquement.
C’est sans doute que, eux, n’ont justement pas ton talent et qu’ils ne t’arrivent pas à la cheville !
(rires). Bon, mais pour être honnête, évidemment c’est lié, et ils ont en partie raison, mais c’est leur manière de penser qui est péjorative. Sinon, la plupart des collègues ne sont pas à me plaindre et me considèrent comme les autres ! Beaucoup sont friands de cette liberté que je prends pour parler de choses pas forcément marrantes à la base…
Tu as passé un bac littéraire que tu as obtenu à 20 ans. Tu étais déjà attiré par l’écriture ?
Disons pour être honnête que j’ai choisi ma filière de bac plus par élimination que par envie. Je ne me voyais pas scientifique. Sciences Eco… bof. Et la littérature, c’est effectivement la filière dont je me sentais le plus proche par rapport aux qualités requises.
Les rires n’étaient plus à cause, mais grâce à moi et là, ça a tout changé…
Dans ta période étudiante, tu avais déjà fait tes premières armes dans le théâtre, et interprété tes propres sketchs ?
Je commencé le théâtre à 12 ans, dans une MJC à Montmirail, et tous les ans, je faisais mon « show » de fin d’année. Ces 8/9 années de théâtre m’ont permis de débarquer à Paris avec déjà quelques bagages techniques : la respiration, l’énergie, le placement de voix…
En classe, quel élève étais-tu ? Le dissipateur et le comique de service ?
Au collège, j’étais l’animateur malgré moi car je subissais les moqueries perpétuelles des élèves. C’est un peu l’âge de la cruauté et de l’intolérance ! A mon entrée au lycée, les regards ont commencé à changer et à devenir beaucoup plus bienveillants. Et là, avec le temps, j’ai commencé à beaucoup mieux maîtriser et non plus à les subir. Les rires n’étaient plus à cause, mais grâce à moi et là, ça a tout changé… J’ai commencé à en faire une force et c’est à partir de là que j’ai décidé d’en faire mon métier.
Tu as fait aussi plein de premières parties assez prestigieuses : Jean-Marie Bigard, Anthony Kavanagh, le Comte de Bouderbala, Michael Gregorio et d’autres… Et puis ton grand copain Jérémy Ferrari. Tu fais toujours ses ouvertures ?
Non, c’était pour son précédent spectacle. Mais nous avons surtout collaboré ensemble pour l’écriture et la mise en scène de mon spectacle. Jérémy c’est une vraie belle rencontre, à la base professionnelle, mais qui s’est vite transformée en amitié personnelle.
Cette rencontre s’est faite sur l’émission de Ruquier ?
Tout à fait ! J’étais venu deux fois dans cette émission pour participer en « guest » aux côtés d’autres humoristes, et j’y avais croisé Jérémy dont les sketchs et l’écriture m’amusaient beaucoup. Laurent Ruquier m’a proposé de revenir, non pas en guest mais en tant que participant, mais je ne me sentais pas d’écrire tout seul un sketch de 5 minutes, efficace et drôle pour la télé. Alors j’ai eu l’idée de contacter Jérémy pour lui proposer de coécrire ce sketch. Au début, il m’a dit non parce que ça ne l’intéressait pas de faire juste un one shot pour la télé. Il voulait aller plus loin et coécrire mon spectacle. Alors je lui ai dit : « oui mais moi, mec, j’ai déjà un spectacle qui vaut ce qu’il vaut, mais j’ai pas besoin de toi »…
si je devais raconter ma vie, au mot près sans déformer les choses, ce n’est pas du one man show que je ferais mais de la tragédie grecque !
… Ah d’accord ! Votre histoire partait plutôt mal alors…
Oui, c’était mal barré ! En fait, on a quand même déjeuné ensemble un mercredi, et on s’est quitté comme ça… Et puis, le week-end Jérémy m’a rappelé en me proposant de participer, le lundi suivant, à l’enregistrement d’un sketch pour l’émission. Et c’était le sketch « L’adoption pour les nuls » qui a cartonné ! Notre entente et notre complicité avec Jérémy ont vraiment fonctionné, alors qu’on se connaissait depuis trois jours et qu’on n’avait jamais joué ensemble. Tu remarqueras, en regardant le sketch, qu’à aucun moment on se regarde et on se coupe la parole. Ce sont ces détails qui ont tout fait basculer. Pour moi, c’était le signe évident qu’il fallait pousser plus loin cette collaboration. Et c’est à partir de là qu’on s’est concentré sur mon nouveau spectacle.
Et te voilà donc aujourd’hui en haut de l’affiche avec ton premier one man show écrit à quatre mains. Présente-le nous en quelques mots…
C’est une chronologie de ma vie. Romancée évidemment car, comme je dis toujours, si je devais raconter ma vie, au mot près sans déformer les choses, ce n’est pas du one man show que je ferais mais de la tragédie grecque ! Donc je romance pour amener de l’humour dans ma vie qui n’est pas facile et je pense qu’avec Jérémy, nous l’avons bien fait !
Et du coup ta vie, tu la trouves plus drôle depuis que tu la racontes de cette façon ?
Oui, bien sûr, ça m’a permis d’avoir un autre regard sur ma vie que j’adore aujourd’hui. Je ne la conçois plus sans l’humour.
Tu as eu aussi un très bel accueil au Festival de Montreux qui, là aussi, a été une belle étape pour toi ?
Oui, c’était un moment formidable que j’ai pu vivre là aussi grâce à Jérémy qui m’a ouvert les portes de Montreux en me faisant jouer, la première fois, à ses côtés. Du coup, ça a plu et Grégoire Furrer, le président du Festival, m’a rappelé l’année d’après. J’y ai donc joué en 2012, 2014 et j’y retourne là, cette année, très bientôt !
l’un des plus beaux compliments que les gens peuvent me faire , c’est qu’en voyant mon spectacle, ils oublient ma différence physique au bout de 5 minutes.
Pour parler d’avenir, si tu racontes ta vie dans ce premier one man show, te quoi parleras-tu dans le deuxième ?
Et bien de ma NOUVELLE VIE ! (rires). Ma vie de comédien, ma petite notoriété qui m’amène dans des situations parfois très drôles. Par exemple, si je contacte des filles sur les réseaux sociaux ou des sites de rencontres, elles me demandent si je suis le vrai Guillaume Bats !! Tu imagines un instant que si je voulais me serrer une meuf en me faisant passer pour une vedette, sincèrement je choisirais Guillaume Bats ?! Ça ne me paraît pas très judicieux !! (éclats de rire).
En fait, cette notoriété fait complètement changer le regard des gens à ton égard…
Ouais, c’est vrai ! Et tant mieux ! D’ailleurs l’un des plus beaux compliments que les gens peuvent me faire et qui me touche beaucoup, c’est qu’en voyant mon spectacle, ils oublient ma différence physique au bout de 5 minutes. Ils voient juste un mec qui les fait rire, et ça c’est génial ! Parce que je ne veux surtout pas monter sur scène pour défendre une cause et basculer dans le côté pathétique de la victime… Je veux que ce soit une conséquence, un effet du spectacle et non pas une volonté à la base. Je me dis que si mon spectacle est drôle, et si je fais bien mon boulot, naturellement je défendrai la cause !
Et ce second spectacle, tu vas le construire avec ton complice Jérémy ?
Non ! Pas ce spectacle. J’en ai déjà écrit une bonne partie, et j’ai travaillé avec un autre humoriste, moins connu mais tout aussi talentueux qui s’appelle Benjamin Verrecchia. C’est un humour assez caustique que j’aime beaucoup. Moi, de toutes façons, pour travailler avec des gens, il faut qu’humainement le courant passe très bien. Et j’ai la chance d’avoir autour de moi des mecs en or… Bon, même si Jérémy est un gros con ! Mais on peut le dire, il le sait qu’il est un gros con, à chacun son handicap !! Sincèrement, on s’adore et comme il déteste les gens trop mielleux, je suis toujours en train de lui demander des bisous… Jérémy ! Bon ben je t’embrasse ! (rires)
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Photos de l’interview : Yann Etesse
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