BONHAM… MAIS AVANT TOUT DEBORAH !
Il y a parfois des gens que l’on croise sur sa route et qui provoquent instantanément deux sentiments contradictoires : le réel plaisir de la rencontre mêlé au profond regret que ladite rencontre n’ait pas eu lieu plus tôt ! Et bien voilà, Deborah Bonham fait partie de ces gens-là qui provoquent en vous cette intensité émotionnelle au premier contact scellé par une ferme poignée de mains, et qui quelques heures plus tard, se conclut par de chaudes embrassades avec la promesse de se revoir un jour, et même très vite !!
Accueillante, chaleureuse, enjouée… de nombreux qualificatifs peuvent décrire ce personnage haut en couleurs (y compris dans le choix de ses insolites tenues vestimentaires !). Mais, on est encore loin de la vérité, car il faut attendre de la voir entrer en scène, pour finalement en rester sans voix, cherchant nos mots en happant les siens !
Deborah Bonham « on stage », c’est quelque chose ! Une présence lumineuse, une puissante fragilité, une intarissable générosité, une tigresse qui vient vous sortir les tripes avec son rock survolté et qui vous les tord dans tous les sens avec son blues transcendant, presque hypnotique ! C’est simple : Deborah envahit l’espace, vous inonde, vous submerge, vous emporte…
Pourtant, ça n’a pas été toujours facile pour la « p’tite sœur » du grand John Bonham que bien évidemment les connaisseurs identifieront immédiatement comme le batteur du mythique groupe londonien Led Zeppelin fondé en 1968 par Jimmy Page (guitare), avec Robert Plant(chant) et John Paul Jones (basse, claviers) !
Tracer son chemin et suivre sa route musicale n’est finalement pas si simple lorsque l’ombre d’un géant vous cache de la lumière ! Mais jamais Deborah Bonham n’a douté de sa voie et comme elle le résume si bien : « I just have to do it » ! Il lui a fallu du temps, de la patience, de la perseverance aussi pour faire sa place dans un milieu qui ne l’a pas toujours épargnée.
Mais aujourd’hui, à 53 ans, la voici devant nous, épanouie, accomplie et sans complexe ! Entourée de ceux qui l’ont choisie pour accompagner et porter sa musique dont elle compose la plupart des morceaux. Et nous, devant la nudité de ses pieds (elle ne porte jamais de chaussures sur scène !) nous nous inclinons avec délice, admiration et avec respect !
Etre journaliste nous accorde il est vrai quelques privilèges. Pour ma part, ce jour-là du 21 février 2015 à Istres, au lieu-dit L’Usine, magnifique salle de concert, j’ai eu celui de vivre ce concert en coulisses et aux côtés des artistes. Un grand merci au passage à Laurent Milliet de 106db pour nous avoir organisé cette rencontre exclusive !
J’assume parfaitement mon manque d’objectivité totalement volontaire pour introduire nos sympathiques échanges qui vous permettront de découvrir cette formidable artiste ! Mais lorsque, ce soir-là à L’Usine, j’ai vu de mes propres yeux et entendu de mes propres oreilles près de 200 personnes s’interroger sur cette mystérieuse Deborah Bonham programmée en première partie de soirée et, une heure trente plus tard, battre le rappel à deux reprises pour prolonger ces instants de grâce, qu’on ne me parle plus de subjectivité ! Car sincèrement, je crois que ce soir-là, je n’étais pas la seule à me réjouir de cette nouvelle rencontre et à regretter qu’elle n’ait pas eu lieu plus tôt !!!
Christine Manganaro
ENTRETIEN
Christine : On te rencontre ce soir à L’Usine à Istres et c’est un concert un peu particulier puisque tu joues avec une nouvelle équipe, du moins en partie. Peux-tu nous présenter tes musiciens ?
Deborah Bonham : Alors, il y a Frank Benbini à la batterie qui nous vient des « Fun Lovin’ Criminals ». Jo Burt, le bassiste, a joué dans « Black Sabbath » et avec Freddie Mercury… notamment. C’est un homme et un musicien fantastique que je connais depuis longtemps parce qu’il était aussi dans « Virginia Wolf » avec mon neveu Jason.
Christine : Des « rookies* » en quelque sorte !! (* traduire par « p’tits nouveaux »)
Deborah Bonham : Rookies (éclats de rire) ! Ah oui, on peut presque dire ça ! D’ailleurs, je n’en reviens toujours pas que ces musiciens soient là pour jouer à mes côtés ! (rires).
Christine : Et d’après toi, pourquoi ils sont là ?
Deborah Bonham : Parce que je suis tout simplement formidable !! (éclats de rires).
Christine : Nous avons présenté les deux « p’tits nouveaux », mais il y a aussi deux fidèles musiciens qui t’accompagnent ?
Deborah Bonham : Oui effectivement, il y a aussi Peter Bullick à la guitare et Gerard Louis au clavier, qui ont tous les deux joué avec Paul Rodgers dans « Bad Company » et « Free » et qui ont fait quelques concerts avec lui, tout comme moi d’ailleurs…
Christine : A priori tu connais bien Paul Rodgers, au point d’avoir réalisé quelques projets avec lui ?
Deborah Bonham : Oui, c’est un très bon ami. Récemment, on a joué au Royal Albert Hall à Londres avec lui et c’était génial ! J’espère qu’on rejouera ensemble très bientôt, il est tellement charmant, et tellement bon !
Christine : J’aimerais que tu me parles de ta relation à la Musique. Peut-on dire que c’est toute ta vie ?
Deborah Bonham : Absolument ! Depuis que j’ai 6 ans, j’ai grandi avec John (*) et Led Zeppelin Donc tu penses bien que la musique a toujours guidé ma vie. Je n’avais rien d’autre en tête que de chanter ! Pourtant, mon frère ne voulait pas que je fasse de la musique parce que, lui en voyait aussi un autre aspect !
(*) NDLR : John Bonham, le frère de Deborah, disparu prématurément en 1980 à l’âge de 32 ans, était le batteur du groupe mythique Led Zeppelin.
Christine : Il avait peur pour toi ?
Deborah Bonham : Oui, exactement ! Alors il me disait: « Non, non non, tu dois devenir véto ou avocate! ». En fait, depuis longtemps je suis entourée de plein d’animaux que je récupère ou que je sauve, et quand je dois payer le vétérinaire, je me dis que mon frère avait raison !! (rires). Mais on ne peut pas renier ce qui est profondément ancré en soi, ce qu’il y a dans son cœur et dans son âme. J’ai quand même essayé de faire d’autres choses mais au bout du compte, j’en revenais toujours à chanter et à me dire : « OK, I just have to do it » ! (traduire : « je dois juste le faire »).
Christine : Avoir un frère dans la musique a-t-il rendu les choses plus faciles pour toi ?
Deborah Bonham : Oh non, et je dirais même que c’était plus difficile parce que beaucoup de gens m’ont toujours considérée comme « la sœur de John »… et c’est tout ! En plus, en jouant avec Led Zeppelin, John avait placé la barre très haute ! Alors, autant pour mon neveu Jason(*) que pour moi, c’était difficile de nous faire une place car on était toujours un peu dans l’ombre de John !
(*) NDLR : Né le 15 juillet 1966, Jason Bonham, le fils de John est lui aussi batteur notamment du groupe Black Country Communion depuis fin 2009 aux côtés de Joe Bonamassa, Derek Sherinian et Glenn Hughes
Christine : Et maintenant ?
Deborah Bonham : Maintenant, c’est différent parce que beaucoup d’années sont passées ! Depuis tout ce temps, j’ai chanté avec Paul Rodgers, Robert Plant, Van Halen, et tellement d’autres… Et je me dis que s’ils pensent que je suis assez douée pour jouer avec eux, c’est que ça doit aller ! (rires). Désormais, les gens me considèrent pour ce que je suis et même si j’ai gardé le surnom de « Deborah Bonham Jump-on Sister », j’en reste très fière et ça me va très bien !
Christine : Mais on peut quand même dire que la route a été longue pour toi jusqu’à cette fameuse reconnaissance ?
Deborah Bonham : Oui, une très longue route… Et puis c’est encore moins facile quand on est une femme. La musique reste quand même avant tout un monde d’hommes… je veux dire surtout dans le blues et le rock ! Je pense que c’est plus facile dans la pop si on est jeune et sexy ! Mais même dans ce cas, c’est en général un homme qui est derrière l’affaire et qui en tire beaucoup d’avantages !! Enfin bref, ma route a été longue certes, mais le chemin a été beau à parcourir…
Christine : Prendre ce temps a été peut-être une bonne chose pour toi, pour devenir plus forte dans ce milieu difficile ?
Deborah Bonham : Oui, j’en suis persuadée. Comme mon frère John, au début, j’ai suivi un chemin trop « festif » et je pense que si j’avais connu cette gloire trop tôt et trop vite, je ne serais probablement pas là aujourd’hui pour te parler !! J’ai eu aussi des problèmes avec des maisons de disques à cause desquelles je n’ai pas pu travailler pendant dix ans. En anglais, on dit « se faire baiser » !! Mais tout ça c’est du passé. Aujourd’hui, je n’ai rien perdu de mes rêves, je joue et je chante la musique que j’aime, avec des gens formidables ! Je vis vraiment une belle période de ma vie.
Christine : Tu as reconstruit une famille, en quelque sorte ?
Deborah Bonham : Exactement ! C’est aussi pour ça qu’on a fait ces petits changements dans l’équipe : les tensions devenaient un peu fatigantes et je pense que la vie reste toujours trop courte et qu’il faut en profiter. Tu te rends compte, on vient en France pour jouer notre musique, on est bien accueillis, bien nourris, bien logés et on est payés ! Pour nous, c’est plus un plaisir qu’un travail ! Que demander de mieux ?
Christine : Ce n’est pas la première fois que tu viens jouer en France. C’est un pays que tu aimes ?
Deborah Bonham : J’adore la France !! C’est même ma destination préférée. Les gens sont charmants et accueillants.
Christine : Tu n’as jamais voulu chanter autre chose que du blues et du rock ?
Deborah Bonham : Non, du moins pas jusqu’à présent ! J’aime partager cette musique en groupe mais je dois avouer que lorsque j’ai joué au Royal Albert Hall et qu’il n’y avait que Gerard Louis et moi, je me suis dit que j’aimerais faire aussi quelque chose de plus… soul blues. Juste avec un piano et une basse, comme le faisait Ella Fitzgerald et d’autres femmes incroyables dans ce style de musique. En fait, je pense que je le ferai… un jour… mais pas maintenant car je m’amuse trop bien avec le rock et mon groupe tapageur !! (rires). Quand mes genoux ne suivront plus à la longue, et quand je serai trop vieille, alors je me dirai : « OK ! il est temps maintenant de m’assoir à côté du piano » !!
Christine : Pour boucler la boucle, parlons de ton dernier album « Spirit » sorti l’an dernier. C’est un album un peu particulier pour toi ?
Deborah Bonham : Oui effectivement ! Disons que c’est un changement par rapport au précédent. Avec « Spirit », je suis revenue d’avantage à la source de ce que je faisais à mes débuts, en redonnant une grande place à l’acoustique. Cette fois-ci, j’ai rapporté une mandoline, un instrument que j’adore et qui façonne vraiment cet esprit rock & blues. En plus, Robert Plant a joué sur cet album ainsi que son batteur Marco Giovino, ce qui a été absolument génial et un véritable cadeau pour moi !
Christine : Tu écris toutes tes chansons, paroles et musique ?
Deborah Bonham : Oui, certaines chansons ont été écrites en collaboration avec d’autres personnes, mais je les compose principalement moi-même. Ensuite, bien entendu, je les partage avec le groupe et chacun amène sa pierre à l’édifice. J’aime écrire et j’ai pas mal de travaux qui ne sont pas sortis pour diverses raisons, et qui pourraient bien faire partie de mon prochain projet… Ce métier est décidément très amusant et plein de surprises ! Après toutes ces années, je sais toujours pourquoi je n’ai jamais voulu faire autre chose de ma vie… sans regret !
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