2 METRES DE MAGIE, D’HUMOUR ET DE DÉLIRE
On ne le présente plus depuis qu’il occupe, de sa grandeur “magie-strale”, les plus grandes scènes de France. Malgré le succès et la gloire, Eric Antoine reste finalement le même et ne fait pas qu’illusion lorsqu’il nous parle avec son cœur !
Christine Manganaro : Je souhaiterais commencer par évoquer ton parcours juste histoire de resituer un petit peu le contexte et comprendre pourquoi aujourd’hui tu en es là. On apprend dans ta bio que tu as fait beaucoup de théâtre… mais pourquoi en plus la magie ?
Eric Antoine : J’ai commencé la magie quand j’avais 13 ans et vraiment par un pur hasard : au cours d’une balade, je suis tombé sur la plus ancienne boutique au monde, d’accessoires de magie qui s’appelle « Mayette Magie Moderne » et qui se situe du côté du boulevard St Germain. C’est vraiment en me perdant dans les petites rues, ce que j’aime toujours faire d’ailleurs, que j’ai découvert cet endroit. Je suis rentré par curiosité, j’ai acheté un livre et puis un truc avec des balles mousse et un truc avec des cordes. Quelques temps après, j’ai eu des soucis de croissance assez importants : j’ai grandi de plus de 20 centimètres en un an et demi et j’étais fatigué, souvent alité et ce livre de magie a fait partie de mes livres de chevet. C’est comme ça que j’ai commencé. Et puis après, je me suis mis à appliquer cet art, comme hobby, comme passion jusqu’au jour où j’ai commencé à faire du théâtre et que j’ai réalisé que c’était vraiment ma voie. Alors le mix de mes deux passions s’est naturellement imposé à moi.
Tu fais toujours deux mètres, si je ne m’abuse…
Exact.
Pour toujours 110 kilos ?
Un peu plus en ce moment, 125 !
Ah d’accord. Si tu veux, je ne le dirai pas…on restera à 110 ! (rires)
110 c’est mon poids de forme mais 125, c’est bien aussi, j’assume.
Bon OK ! En lisant ta bio, on découvre que tu as été un ado un peu mal dans sa peau, tant sur un plan psychologique que physique. C’est donc à travers le théâtre et la magie que tu as pu t’épanouir ?
Oui ! Vraiment et avec sincérité. C’est grâce à ça que je me suis découvert. Ce qui est fantastique avec les cours de théâtre, c’est que tu découvres d’abord des œuvres littéraires qui te nourrissent intellectuellement, spirituellement.
Et puis, lorsque tu rentres dans la peau d’un personnage, tu te compares à ce personnage et tu prends conscience de ta propre existence.
Tu découvres tes propres limites, parfois tu es plus généreux que certains personnages que tu joues, parfois tu es plus gentil, parfois plus pervers, parfois moins passionné… bref, au fur et à mesure de mes interprétations, j’ai appris à me connaître, puis à me reconnaître et finalement à m’accepter ! Et quand on commence à savoir un peu qui on est, alors on peut commencer à se faire un peu confiance et si on se fait confiance, ben les gens peuvent vous faire confiance et si les gens vous font confiance alors là, la vie devient beaucoup plus facile et plus intéressante…
Pourtant, tout n’a pas été si simple. Il y a eu une bonne dizaine d’années de galères jusqu’à ce que finalement…ce déclic, cette reconnaissance au moment du Festival d’Avignon je crois avec ton premier spectacle ?
Pour être exact, il y a eu plusieurs déclics importants. C’est vrai qu’en 2008, il y a eu un excellent Festival d’Avignon où je présentais « Réalité ou Illusion », déclinaison de mon premier spectacle « Satisfait ou Remboursé » qui avait bien marché aussi, mais il y a eu vraiment un déclic dans les réseaux théâtraux qui a fait que… à partir de cette année-là, j’ai commencé à faire des tournées de 200 dates par an. Cela dit, en 2006, il y a eu un bon coup de pouce médiatique avec ma participation à l’émission de télé « La France a un incroyable talent » qui a été un véritable déclencheur de curiosité. A l’issue de cette aventure j’ai décroché mes premiers beaux contrats en tant qu’artiste. Cela dit quelques années auparavant je commençais déjà à vivre de ce métier, à avoir une reconnaissance dans les petits milieux théâtraux.
C’est en 2005 que tu as intégré la magie à part entière dans tes spectacles ?
Oui, avec mon spectacle « Satisfait ou Remboursé ». Le principe était que je remboursais l’indifférence au lieu de la différence. Je disais au public que si quelqu’un n’aimait pas mon spectacle, je lui remboursais à la sortie. Il y a eu quelques milliers de spectateurs à cette époque et heureusement personne n’a demandé le remboursement ! (rires)
Tu évoquais la télévision qui t’a plutôt bien servi puisqu’il y a eu effectivement ton passage dans « Incroyable talent » mais aussi quelques superbes apparitions chez Drucker dans « Vivement Dimanche ». Comment perçois-tu ce média dans la carrière d’un artiste ? Est-ce incontournable ou au contraire dangereux ?
Je pense que chacun vit une histoire très personnelle par rapport à ça. En effet, parfois certains artistes font un coup d’éclat, très flamboyants avec un énorme succès et puis leur deuxième spectacle ou deuxième album ne fonctionne plus, parce qu’ils ont été fabriqués par des producteurs ou des « investisseurs ». Ça c’est une chose qui existe, qui a toujours existé et qui existera toujours. Et puis parfois on découvre des œuvres intéressantes.
Ceci dit, à mon avis on a beaucoup moins besoin de la télévision maintenant qu’Internet et tous les buzz sur la toile sont tout aussi puissants en termes d’impacts.
On le voit avec les Youtubers, il y a vraiment des gens qui peuvent exister très fort en dehors de tous les médias traditionnels et d’ailleurs souvent les médias traditionnels vont les récupérer. Maintenant avec la multiplication des chaînes de la TNT, et une telle offre télévisuelle, un, deux, dix, vingt passages télé peuvent passer totalement inaperçus. Il y a encore beaucoup de gens qui n’ont jamais entendu parler de moi et pourtant, ça fait 10 ans que je fais 50, parfois même 100 télé par an, donc il faut vraiment apprendre à relativiser avec cette notoriété télévisuelle.
Et cette « puissance médiatique » de la télévision n’a-t-elle pas finalement basculé vers les fameux réseaux sociaux dont beaucoup ne peuvent plus se passer ?
En fait, tout est important, c’est la conjonction de tous ces outils qui donne la force d’une notoriété. Je vais sur Youtube, Twitter, Facebook, je fais mon boulot sur tous ces médias, mais sincèrement je crois qu’un bon artiste et un bon spectacle peuvent vivre sans rien de tout ça. Vraiment, le bouche à oreille, le bouche à bouche, le pied au cul, c’est quand même la plus belle des publicités ! (rires). Tu peux vivre de ton métier et être apprécié par des spectateurs et par des professionnels si ton travail est bon. Et je ne pense vraiment pas que ce soit de la naïveté de dire ça. Je l’ai testé : avant que ça ne décolle en 2006, pendant des années j’ai fait des salles de 100 ou 200 places et j’en étais très heureux. Je vivais de ce métier, je savais que je réjouissais le public et ça fonctionnait plutôt bien ! En franchissant le palier supérieur, et à devoir désormais remplir des Zénith, être très connu est devenu une nécessité, parce que pour employer les 40 personnes qui travaillent sur la tournée, il faut faire au moins 3 000 places par soir pour être dans l’équilibre financier.
Mais finalement, ce n’est pas parce qu’un mec remplit un Zénith qu’il est meilleur artiste que celui qui fait une salle de 200 places ! C’est juste un autre travail…
Tu parles de cette nouvelle dimension qu’ont pris ta carrière, ta popularité, ton nouveau spectacle justement créé pour les scènes gigantesques des Zéniths. Pour autant, on sent que tu es resté un artiste humble, lucide, la tête bien vissée sur les épaules. Dans cet espace de grandeur, n’as-tu pas justement un peu la nostalgie de ces moments où tu pouvais être dans des petites salles avec ton public de 100 personnes en face ?
En fait, non ! Je n’ai pas de regrets tout simplement parce que ce rapport aux gens qu’on peut avoir dans une petite salle, je le retrouve dans d’autres activités que je développe comme notamment cette conférence sur l’optimisme que je propose aux entreprises. Quant à l’aspect dimensionnel de mon métier, pour être honnête, ma préférence reste la salle entre 1 000 et 2 000 personnes où l’on peut quand même prendre de la dimension, s’éclater, envoyer du très lourd avec des moyens spectaculaires, et en même temps personne n’est au bout de la planète, à 80 mètres de vous, qui doit suivre tout le spectacle sur écrans géants ! Cela dit, il y a quand même une jouissance extrême à concevoir un spectacle pour un Zénith qui permet de réaliser des choses totalement improbables ! Comme cette baignoire où je suis nu et mouillé et dont j’en ressors sec et habillé, ou bien encore comme cette machine qui fait 10 mètres de large sur 6 mètres de haut que je n’aurais jamais pu construire pour un théâtre de 1 000 places ou 2 000 places. Donc il y a les avantages parce qu’il y a des moyens et des budgets qui peuvent te permettre d’aller encore plus loin dans ta créativité.
D’où le titre « Magic Delirium » de ce spectacle conçu pour les grandes scènes. Même si ce n’est pas celui-là que tu proposeras au public du Théâtre Galli dans quelques jours, tu peux quand même nous en dire quelques mots ?
Oui, il faut bien préciser que ce n’est pas ce spectacle que je jouerai mais bien une sorte de mix de mes précédents spectacles avec aussi des numéros inédits.Quant à « Magic Deliriium », il s’agit toujours de mélange qui me passionne entre le théâtre, l’humour et la magie que j’ai essayé de transcrire dans le monde de la grande illusion. Et c’est en cela que ce spectacle est assez inédit car jusqu’à présent, et à ma connaissance, ce mélange n’a jamais été fait dans un milieu de la grande illusion où souvent les magiciens se prennent très au sérieux.
Et ces illusionnistes qui se prennent au sérieux te voient arriver de quel œil avec ton humour délirant ?!
(Rires) Je ne leur ai pas demandé, mais j’ai grand plaisir à l’imaginer !
Ce « grandiose » est à la mesure de ton talent et à la démesure de ta grandeur ?
Oh jolie phrase ! A la mesure du talent et à la démesure de la grandeur… Génial !! (rires). Ce n’est pas à moi de le dire, mais ce que je peux juste en dire c’est que c’est un spectacle unique, une expérience étonnante…
Mais, pour chacun de mes spectacles, j’essaie toujours de les rendre uniques et délirants, quels que soient les dimensions, les budgets de production, pour continuer de surprendre les gens qui me connaissent déjà.
On est en droit de se demander ce que tu vas bien pouvoir inventer après ça ?
Je suis en train de me poser la même question. Mais je te rassure, j’ai déjà plusieurs réponses et j’espère que je saurai surprendre encore une fois.
Tu as toujours ta complice de vie, de scène, de travail, à tes côtés qui a conçu ce spectacle avec toi et puis un nouveau collaborateur Sébastien Clergue, c’est ça ?
Exactement, ma femme Calista joue toujours le personnage de Bernard, mon assistant invisible mais elle joue aussi un nouveau personnage « Lindsey » qui est l’assistante d’un magicien professionnel dans toute sa splendeur, dans tous les clichés. Sauf qu’elle, elle a créé une association qui s’appelle « assistante soumise » et qui révèle que les magiciens sont des buses, des ringards et que finalement ce sont les assistantes qui font tout le travail dans le monde de la magie… ce qui n’est pas tout à fait faux !! (rires).
Et de l’autre côté, en effet, tu as Sébastien Clergue qui lui est un puits de sciences sur le monde de la magie et de l’illusion, avec qui j’ai créé ces grandes illusions et sans qui je n’aurais pas été capable de le faire. Sébastien a collaboré avec des Copperfield et autres grands illusionnistes du monde entier et il m’a amené cette expérience qui m’a permis d’aller jusqu’au bout de mes délires que je pouvais dessine, mais dont je n’avais pas forcément toutes les solutions et toutes les implications pour les rendre possibles.
Une toute dernière question. Tu as commencé ta carrière en tant qu’acteur de théâtre à proprement parler. Après avoir vécu cette carrière d’artiste acteur et magicien, pourrais-tu envisager un jour de reprendre un vrai rôle de comédien ?
Oui, et j’y aspire. Pour être franc, je n’y travaille pas tout à fait activement, mais je pose des jalons de-ci, de-là… En tout cas, c’est dans mes projets pour les années qui viennent.
Eric Antoine sera sur la scène du Théâtre Galli à Sanary le Samedi 14 mai 2016
Tarif : 47€ – Abonnés/CE : 43€