Tu as fait un one man, tu l’as joué plus de 400 fois, maintenant tu peux parler… à voix basse, mais tu peux parler !

Mardi 3 décembre. 17H. Zénith de Toulon.

Vincent MoscatoBardés de nos capteurs d’images (Canon pour l’un, Nikon pour l’autre) et de notre preneur de son (un « Zoom »aussi), nous sommes à l’heure pour le rendez-vous… Nous ? Yann et moi, dignes et fiers représentants de Cibiwaï qui, tenez-vous bien, a reçu l’accréditation ex-clu-si-ve par la production de Vincent Moscato !! Il faut dire que depuis des semaines,Yann a déployé une formidable énergie à caler ce reportage, fort des amicales relations qu’il avait su tisser et conserver de sa précédente rencontre en 2012 avec l’artiste et surtout sa manageuse d’épouse, Krystel.

Bien mal a pris notre impatience de cette rencontre car il nous a fallu attendre deux bonnes heures pour que s’ouvrent à nous les portes divines des loges où s’était véritablement précipité l’artiste à son arrivée, in extremis, au Zenith. Un taxi en perdition cumulé aux embouteillages citadins auraient pu compromettre la ponctualité de Vincent Moscato qui, chaque jour depuis 2007, où qu’il soit et quoi qu’il fasse, prend l’antenne en direct à 18H sur RMC pour son émission « Moscato Show ». Finalement, c’est après avoir rendu l’antenne à 19H, que nous avons été conviés à le rejoindre en backstages ! Aspirant certainement à une petite parenthèse de tranquillité, Vincent nous reçoit… quand même… le stress encore palpable sur un visage à peine détendu par un léger rictus qui salue notre arrivée !

Compte à rebours…

Vincent MoscatoCompréhensifs et conscients aussi du privilège de notre présence, nous devinons sans mots dire que la durée de cet entretien devra rester dans la limite du raisonnable… 10 minutes ? 15 maxi ? … si on se réfère au temps moyen que les artistes accordent généralement aux journalistes dans ce genre d’exercice.

19H10 : je lance ma première question, me risquant même à un mot de bienvenue, histoire de détendre l’atmosphère (à moins que ce ne soit pour me détendre, moi !!!)

19H20 : ça fait 10 minutes… j’ai à peine posé deux questions… et tellement d’autres qui me viennent… Pourvu que… !

19H25 : Nous sommes en plein échange sur la reconversion des sportifs, le métier de comédien, son one man show… Cet homme est passionné, et passionnant ! Pourvu qu’il ne regarde pas sa montre…

19H40 : En plein milieu d’une question, le livreur de pizzas arrive ! Et m… Il va sans doute falloir abréger pour le laisser manger tranquille… Je me risque à lui demander si nous pouvons poursuivre encore quelques minutes… et je saute sur son approbation pour enchaîner les questions suivantes…

19H45 : Nous voilà en plein débat politique… Vincent est détendu. Vincent rigole. Vincent s’enflamme. Et nous on jubile !!! Bon sang, ses pizzas vont être froides !!!

19H50 : Point ne faut abuser ! Il est temps de conclure et lorsqu’on lui parle d’avenir, Vincent parle de sa famille, de ses filles, le regard brillant de fierté et d’émotion ! Un côté « papa poule au cœur tendre » que la carrure charpentée de l’ancien rugbyman avait réussi à dissimuler jusque-là…

20H00 : Les pizzas sont froides, on vous les confirme, pour en avoir partagé un bout avec Vincent, avant de le laisser ENFIN tranquille pour se concentrer sur son show…

Christine : Vincent, on est tenté de dire « bienvenue au pays du rugby, bienvenue chez vous », car à Toulon, vous êtes un peu comme à la maison, en famille…

Vincent MoscatoVincent Moscato : C’est vrai que pour moi c’est toujours assez spécial de venir ici, c’est toujours beaucoup d’émotions car ça me rappelle pas mal de choses, pas mal de matchs… Et puis, quand on est rugbyman, Toulon c’est une place forte… un peu comme Marseille pour un footballeur. Sans parler bien sûr de mes relations très proches avec Bernard Laporte que je connais depuis très longtemps, depuis qu’on est gamins… Donc forcément, tout ça fait que j’ai tissé beaucoup de liens d’amitié avec les gens d’ici et que je m’y sens bien.

Christine : Quel regard portez-vous sur le rugby d’aujourd’hui, vous qui avez été un joueur international dans les années 90 ? C’est un sport qui a beaucoup évolué, qui  s’est professionnalisé…

Vincent Moscato : Bien sûr et tant mieux ! Il y a une ascension, une progression, les joueurs d’aujourd’hui sont beaucoup plus préparés professionnellement, ils vont au bout de leurs capacités rugbystiques et physiques, dans un championnat magnifique qu’est le Top 14. Face à ce constat, on ne peut qu’être envieux quand on est un ancien joueur, de cette jeunesse sportive que vivent les joueurs de maintenant !

Christine : Mais les mentalités ont changé, peut-être moins ancrées dans les valeurs ?

Vincent Moscato : Les valeurs ? Je ne suis pas persuadé que, dans le Rugby, les valeurs d’antan aient été meilleures que celles de maintenant. On idéalise tous nos 20 ans donc on a l’impression que ce que l’on en a vécu, c’était magnifique… Mais je crois que ceux qui ont 20 ans aujourd’hui vivent des choses aussi belles que les nôtres.

Je préfère les sports de combat que les sports d’évitement

Vincent MoscatoChristine : Vous avez aussi fait un petit détour par la boxe aussi ?

Vincent Moscato : Oui, il y a plus de 20 ans. J’ai fait 9 combats en poids lourd, pendant l’année où j’ai été suspendu de rugby…

Christine : En fait, ce sont toujours des sports de contact, de combat…

Vincent Moscato : Ça correspond davantage à ma philosophie. Quand on joue en première ligne, aller vers la boxe, ça rejoint un peu la même idée. Oui je préfère les sports de combat que les sports d’évitement.

Christine : Vous êtes un guerrier ! C’est regarder l’adversaire en face ?

Vincent Moscato : C’est l’art de l’adversité. Mesurer ses forces, c’est assez primaire mais c’est ce qui fait la beauté de la chose. Tout ce qui a attrait au défi, au contact du corps, relève d’une philosophie assez particulière.

Contrairement à ce que pense la plupart des gens, pour les sportifs de haut niveau, c’est un bagage plutôt lourd à porter

Christine : Quand on quitte le haut niveau sportif, c’est un nouveau combat qui commence ?

Vincent MoscatoVincent Moscato : C’est un autre combat… celui de la vie, celui de tout le monde. A la différence qu’avec un passé où tu as été magnifié, encensé, où tu as bien gagné ta vie, ce n’est pas forcément facile quand l’heure de la reconversion a sonné. Contrairement à ce que pense la plupart des gens, pour les sportifs de haut niveau, c’est un bagage plutôt lourd à porter.

Christine : On les attend au tournant ?

Vincent Moscato : Ce n’est pas qu’on t’attend au tournant, c’est que tu as 15 ans de retard sur les gens qui ont déjà une vie professionnelle, des acquis, des expériences… Toi, tu as un bagage d’adrénaline et de passion et tu sais que tu ne les retrouveras plus jamais !!  C’est ça la difficulté… pour ce qui est du jugement ou du regard des autres, on s’en fout !!

Christine : Cela dit, avec la reconversion que vous avez choisie, le regard des autres est important, pour ne pas dire essentiel… !

Vincent Moscato : Je parlais de reconversion en général, pas de la mienne qui est assez particulière ! Bien sûr qu’en ce qui me concerne, le regard des autres est important puisque je m’y expose en permanence ! En fait, cette reconversion s’est faite tout naturellement, parce que  c’est un métier que j’avais dans la peau, dans le sang. Du coup, au moment de ma retraite sportive, je suis allé dans cette voie sans trop me poser de questions… Bien entendu, le chemin est compliqué, il est semé d’embûches et tu débarques dans un milieu  où tu n’es pas reconnu, où personne ne t’attend ! Il a fallu que je travaille pour apprendre, progresser, m’améliorermais en même temps, pour moi, ça n’a rien d’exceptionnel car je suis heureux et fier de faire un métier qui me faisait déjà rêver avant d’être rugbyman.

Christine : Les rugbymen ont souvent la réputation d’avoir plus de muscles que de cerveau. Le fait de se reconvertir dans un métier… j’allais dire « de tête », n’est-on pas encore plus attendu au tournant ?

Vincent Moscato : C’est malheureusement une image qui colle aux sportifs, mais je pense qu’en termes d’intellect,  la moyenne des sportifs est souvent beaucoup plus élevée que la moyenne générale !! Quant à mon choix, je n’ai jamais réfléchi à ce que pouvaient penser les gens et je ne suis pas dans ce rapport aux autres. Au contraire, j’ai toujours l’esprit optimiste, en pensant que les gens vont bien réagir. Me faire démonter par la critique me laisse indifférent… la mauvaise critique, celle qui peut être insultante, humiliante. La critique positive, elle, est toujours bonne à prendre. Ce qui me touche, ce sont les applaudissements du public et à partir du moment où tu as la tête saine, les autres le ressentent et ça se passe bien.

Si vous êtes bon sur scène, en général vous ne serez pas mauvais au cinéma. La réciproque n’est pas toujours vrai…

Christine : Parlons de votre « nouveau métier »… Celui d’acteur, de comédien… C’est un vrai métier qui ne s’improvise pas ?

Vincent MoscatoVincent Moscato : Acteur et comédien, ce n’est pas la même chose !! Le vrai métier, c’est les planches où se produit le comédien. Je ne dirai pas que le cinéma c’est facile, mais si vous êtes bon sur scène, en général vous ne serez pas mauvais au cinéma. La réciproque n’est pas toujours vrai…

Christine : Vous avez commencé comme comédien avant de devenir acteur ?

Vincent Moscato : J’ai commencé par le théâtre et j’ai fait du cinéma après, ce qui n’est pas facile, mais qui peut le plus, peut le moins ! Ça ne veut pas dire que le cinéma ne rentre pas en ligne de compte, mais c’est plus aléatoire, plus impalpable… La sélection se fait sur le choix d’un réalisateur, à qui vous pouvez plaire… ou pas… la notion de qualité arrive souvent au second plan !

Dans ce métier, tu commences à connaître les planches quand tu as vécu la solitude d’un one man, les doutes d’un one man, le bonheur d’un one man, la gratification d’un one man…

Christine : Et que dire alors d’un one man show !! Une scène, une chaise, un décor minimaliste et Vincent Moscato tout seul à occuper l’espace du Zénith… Ce n’est pas rien quand même ?!?!

Vincent MoscatoVincent Moscato : Non, c’est pas rien ! Mais encore une fois, c’est ce que je voulais faire… Après le théâtre, le cinéma, je voulais tenter l’ultime saut périlleux, aller chercher la figure non imposée c’est-à-dire faire le choix qui me semblait le plus difficile… tant par rapport à la démarche qu’à l’écriture. Pouvoir me dire « tu as fait un one man, tu l’as joué plus de 400 fois, maintenant tu peux parler… à voix basse, mais tu peux parler ! ». Dans ce métier, tu commences à connaître les planches quand tu as vécu la solitude d’un one man, les doutes d’un one man, le bonheur d’un one man, la gratification d’un one man…

Christine : L’écriture, c’est vous tout seul ?

Vincent Moscato : C’est moi… et mon épouse, Krystel qui réalise toute la mise en scène. Elle fait aussi la lumière, la technique, la régisseuse, la repasseuse… (rires !).

Christine : Si en plus elle fait bien à manger, c’est une femme qui a décidément toutes les qualités !!

Vincent Moscato : Nos grand-mères disaient que pour garder son homme, il fallait bien cuisiner. C’est pour ça que dans notre monde moderne, les hommes s’en vont souvent !! Moi, ça fait plus de trente ans que je reste… Vous en déduirez le reste !! (rires).

C’est important d’être bien accompagné dans ce métier, alors si c’est ta femme, c’est encore mieux !

Christine : Pour parler plus sérieusement de Krystel… c’est un pilier essentiel à la réussite de votre nouvelle carrière ?

Vincent MoscatoVincent Moscato : Oui bien sûr ! C’est important d’être bien accompagné dans ce métier, alors si c’est ta femme, c’est encore mieux ! Quand tu mènes une vie un peu bohème, toujours parti en vadrouille et sur les routes, les rencontres furtives, les galipettes c’est bien quand tu as 25 ans, mais, finalement, tu t’en lasses très rapidement ! Et il y a aussi le fait d’être dans un milieu difficile, où tu peux être influencé, perdre un peu pied… Maintenant, j’ai passé 45 ans, j’ai un peu plus d’assise et j’apprécie beaucoup d’avoir ma femme à mes côtés pour pouvoir partager cette vie avec elle.

Christine : Revenons à votre spectacle. Ce « Moscato one man Chaud », c’est votre vécu, on rentre un peu dans les coulisses de votre vie…

Vincent Moscato : Un one man show, une pièce de théâtre, une histoire… c’est toujours inspiré d’un vécu. Mais dans ce one man, je parle de plein d’autres choses que des anecdotes de ma vie !

Christine : Vous en êtes à la « saison 2 » ?

Vincent Moscato : C’est plutôt une version qui a été travaillée, améliorée et qui au fil du temps est devenue la deuxième saison, avec des sketches remis au goût du jour mais qui restent quand même dans la trame de ce premier one man show que je fais tourner depuis 3 ans. Mais je prépare un tout nouveau spectacle pour 2014.

La politique c’est des paroles… et pour moi, ce sont les actes qui comptent !

Christine : En revanche, vous n’abordez pas trop de thèmes à caractère politique. C’est un choix ?

Vincent Moscato : On a tous une conscience politique mais hélas, on s’aperçoit que la politique ne mène pas à grand-chose. La politique c’est des paroles… et pour moi, ce sont les actes qui comptent ! On s’aperçoit que la politique est constitué de gens qui n’ont jamais eu d’entreprise, ne prennent pas leur voiture, ne vont pas acheter le pain, ne font pas leur marché hormis pour distribuer des tracts en période électorale. La plupart n’a pas le sens des vraies réalités, des vrais problèmes ! Ils ne sont pas vraiment bons, ils ne gagnent pas vraiment d’argent, ils ne font pas vraiment avancer les choses, ils ne nous font pas vraiment rêver… En revanche, ils parlent vraiment beaucoup mais ils parlent toujours de partager l’oseille des autres !!

Christine : Cela dit,votre métier repose sur les paroles… !!

Vincent MoscatoVincent Moscato : Oui mais ce sont des paroles qui sont motivées par un acte : celui de faire rire, de provoquer des émotions, des sensations ! Eux n’évoquent aucune émotion… ou pire se cachent derrière !!  La fausse compassion est devenue très à la mode depuis 30 ans, celle qui te brosse ta moralité ! En vérité, elle est très malsaine et c’est pour ça que j’évite tous les grands galas de charité qui sont faits de plein de gens qui ne te donnent même pas l’heure quand tu leur demandes, mais qui vont briller par leur générosité médiatique le temps d’un instant ! C’est le grand parapluie et c’est surtout la grande lâcheté… et aujourd’hui beaucoup de choses fonctionnent comme ça dans le monde !

Mes rêves les plus fous sont mes rêves les plus simples… à commencer par le bonheur de mes enfants !!

Christine : En brossant un peu votre vie, on retient quand même que vous êtes un homme heureux, accompli, épanoui… Est-ce qu’il y a un rêve encore assez fou après lequel vous pouvez courir ?

Vincent Moscato : Mes rêves les plus fous sont mes rêves les plus simples… à commencer par le bonheur de mes enfants !! J’ai beaucoup de craintes par rapport à ça. J’ai 4 filles et mon plus grand rêve est qu’elles réussissent leurs vies, qu’elles soient heureuses, autonomes, indépendantes, surtout pour une femme c’est très important ! Après, sur un plan professionnel, bien entendu que j’ai des rêves comme faire des grands films, avoir du succès pour mon prochain one man, mais pour moi ces rêves sont plus des progressions logiques du bonheur…

Retrouvez toutes les photos du spectacle réalisées par Christine Manganaro et Yann Etesse